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★★★★★ Napoléon


Sacha Guitry & Eugène Lourié / 1954 / France-Italie

Avec : Roland Alexandre (comte de Blancmesnil), Anna Amendola (Caroline Murat), Janine André (une merveilleuse), Jean-Marc Anthony (maréchal Marmont), Gno Antonini (Pie VII), Antonio (le coiffeur), Louis Arbessier (maréchal Berthier), Bob d’Arcy (Wellington), Claude Arlay (Jérôme Bonaparte), Françoise Arnoul (la fille du Palais-Royal, rôle coupé au montage), Jean-Pierre Aumont (Régnault de Saint-Jean d'Angély), Lucien Baroux (Louis XVIII), Detty Beckers [= Betty Beckers] (une merveilleuse), Philippe Béharn (maréchal Suchet), Maurice Bénard (général Dummerbion), Jacques Bertrand (maréchal MacDonald), Christiane Blondell (générale Carteaux), Jeanne Boitel (duchesse de Dino), Gilbert Boka [= Gilbert Bokanowski] (Louis XVI & Marchand), Roland Bourdin (baron de Méneval), Pierre Brasseur (Barras), Catherine Brieux (une merveilleuse), Colette Brumaire (une merveilleuse), Maurice Brutus (duc de Flemming), Gianna Maria Canale (Pauline Borghèse), Anne Carrère (Mme Hamelin), Anthony Cartier (général Augereau), Pauline Carton (une aubergiste), Jacqueline Chambord (une merveilleuse), André Chanu (général Petit), le petit Claudy Chapeland (Alexandre Walewski), Jean Chevrier (grand-maréchal Duroc), Sofiane Cissé (Roustan), Aimé Clariond (Corvisart), Félix Clément (Gasparin), Michèle Cordoue (Julie Clary), Jean Danet (général Gourgaud), Miss Darling [= Darling Légitimus] (Blanche, la nourrice), Danielle Darrieux (Éléonore Denuelle), Jean Debucourt (Joseph Fouché), Jean Degrave (maréchal Davout), Jean-Jacques Delbo (général Beker), Bernard Dhéran (Bourrienne), Clément Duhour (maréchal Ney), Jacques Dumesnil (maréchal Bernadotte), Paul Dupuis (comte de Neipperg), Maurice Escande (Louis XV), Fernand Fabre (François II), Robert Favart (comte Otto), Maria Favella (Laetitia Bonaparte), Jacques Fayet (Eugène de Beauharnais), Otto Wilhelm Fischer (prince de Metternich), Louis de Funès (Laurent Passementier, rôle coupé au montage), Jean Gabin (maréchal Lannes), Daniel Gélin (Napoléon Bonaparte), Gilbert Gil (Louis Bonaparte), Michèle Ginesty (une merveilleuse), Cosetta Greco (Élisa Bacciochi), Sacha Guitry (prince de Talleyrand), Joë Hamman (maréchal Kellermann), Guy Henry (maréchal Brune), Léo Illial (Ali), Denis d'Inès (Sieyès), Daniel Ivernel (Cambacérès), Françoise Jacquier (une merveilleuse), Marcel Journet (duc de Choiseul), Madeleine Lebeau (Émilie Pellapra), Fernand Ledoux (Lazare Carnot, rôle coupé au montage), Bernard Lefort (le chanteur de l’Opéra), Jacques Maffioly (Constant), Maurice Maillot (maréchal Soult), Michel Malloire (Léon Denuelle), Yannick Malloire (la petite Pellapra), Marie Mansart (Mme Bertrand), Robert Manuel (Joseph Bonaparte), Jean Marais (comte de Montholon), Jacqueline Marbaux (une merveilleuse), Jean Marchat (grand-maréchal Bertrand), Lana Marconi (Marie Walewska), Luis Mariano (le chanteur Garat), Maurice Martelier (Gonthier), Jean-François Martial (général Dugommier), Nicole Maurey (Mme Tallien), Jean-Pierre Maurin (Eugène de Beauharnais à 14 ans), Umberto Melnati (cardinal Fesch), Armand Mestral (maréchal Oudinot), Mouhnir (l’envoyé du Cheik el Beckri), Yves Montand (maréchal Lefebvre), Michèle Morgan (Joséphine de Beauharnais), Gaby Morlay (Mme de Blanchetière, rôle coupé au montage), Charles Moulin (général Mortier), Michèle Nadal (la danseuse), Michel Nastorg (maréchal Masséna), Constantin Népo (le tsar Alexandre Ier de Russie), le chevalier d’Orgeix [= Jean Paqui] (général Flahaut), Silvana Pampanini (La Grassini, rôle coupé au montage), Simone Paris (comtesse de Blancmesnil), Jean-Pierre Pascal (Bourrienne enfant), Lady Patachou (Madame Sans-Gêne), Raymond Pellegrin (Napoléon Ier), Jean Piat (général Junot), Marguerite Pierry (comtesse de Chabrol-Trompîez), Roger Pigaut (général Caulaincourt), Liliane Piquet (une merveilleuse), Micheline Presle (Hortense de Beauharnais), Stéphane Prince (Martini), Marcel Raine (général Dutheil), Serge Reggiani (Lucien Bonaparte), Simone Renant (comtesse de Montholon, rôle coupé au montage), Gérard Renateau (docteur Antommarchi), Claude Rey (Laetitia Bonaparte à 19 ans), Marcel Rey (Charles Bonaparte), André Roanne (comte de Rémusat), Jean-Marie Robain (le comte d’Artois, rôle coupé au montage), Dany Robin (Désitée Clary), Noël Roquevert (général Cambronne), Eleonora Rossi-Drago (Pauline Fourès, rôle coupé au montage), Jacques Sablon (Augustin Robespierre le Jeune), Flore Saint-Renaud (Mme Clary), Louis Saintève (un parlementaire & un évêque), Maria Schell (Marie-Louise d’Autriche), Erich von Stroheim (Ludwig Van Beethoven), Maurice Teynac (comte de Las Cases), Marcel Trompier (maréchal Bessières), Marcel Vallée (général Carteaux), Jacques Varennes (Boissy d’Anglas), Marcel Vergne (Roger Ducos), Howard Vernon (Lord Liverpool), Henri Vidal (maréchal Murat), Georges Vitray (Gohier), Orson Welles (Sir Hudson Lowe), René Worms (M. de Barbé-Marbois), Pierre Would (M. le Maréchal Pérignon), Max Amyl, Paulette Andrieux, Michèle Bernard, Jacques Bézard, Noëlle Bourdin, André Chabrol, France Degand, Henri Duc, Gilles Gallion, Gurgeus, Olga Nielsen, Gaston Rey.


Paris, mai 1821. Alors que le prince de Talleyrand (Sacha Guitry) reçoit quelques amis, une dépêche l’informe de la mort de Napoléon Ier (Raymond Pellegrin) en exil. Quelque peu troublé par la nouvelle, il entreprend de raconter, relayé par Bourrienne (Bernard Dhéran), qui fut le secrétaire de Bonaparte (Daniel Gélin), puis par le général Caulaincourt (Roger Pigaut), l’épopée fabuleuse de cet homme au destin exceptionnel, né dans une île, devenu plus tard le roi d’une île et, enfin, mort dans une île. Sont ainsi chronologiquement évoqués l’achat de la Corse à l’Italie par Louis XV (Maurice Escande) et son ministre Choiseul (Marcel Journet) – un an plus tard, Napoléon naissait Italien ! –, les années passées au collège militaire de Brienne, les premiers exploits militaires à Toulon, la rencontre avec Joséphine de Beauharnais (Michèle Morgan) dans les salons de Barras (Pierre Brasseur), la répression sanglante du 13 Vendémiaire, la Campagne d’Égypte, le coup d’État de Brumaire, le Sacre, le soleil d’Austerlitz, les rencontres successives de l'Empereur des Français - et, parfois, des Françaises - avec l’effrontée Éléonore Denuelle (Danielle Darrieux) et la tendre Marie Walewska (Lana Marconi), qui lui donneront chacune un fils, l’inévitable divorce qui découlera de ces deux naissances, le remariage avec Marie-Louise d’Autriche (Maria Schell), la venue au monde tant attendue du futur duc de Reichstadt, les premiers revers militaires, la désastreuse Campagne de Russie, l’abdication exigée par les Maréchaux, les Cent-Jours, le désastre de Waterloo, les adieux à la Malmaison hantée par le fantôme de Joséphine, l’exil définitif, la mort solitaire, le retour des Cendres dix-neuf ans plus tard, puis, enfin, l’entrée dans la légende…


Tenu par beaucoup, jusque dans les cénacles guitryens, pour un film-pompier trop clinquant pour être honnête (même la critique de Lorcey est globalement négative, c’est dire…), Napoléon offre avant tout à Guitry cinéaste un formidable prétexte à l’effacement momentané de soi. Happé par le destin du personnage du général devenu empereur, qui n’a jamais cessé de l’obséder, pièces après pièces, films après films, il retrouve – dans les limites de la superproduction en Technicolor – cette forme d’humilité inattendue qui caractérisait déjà La Malibran (1943) et, dans des mesures moindres, Pasteur (1935), Le Comédien (1947) ou Deburau (1950). Passée la première époque, en grande partie desservie par le jeu exagéré de Daniel Gélin-Bonaparte (Jean-Louis Barrault, en pire...), les rares scènes d’action faisant office de cache-misère, la mécanique s’accélère à partir du passage de relais Bonaparte-Napoléon et l’entrée en film de Raymond Pellegrin : de la séquence du Sacre au retour des Cendres, c’est à une véritable course filmée, menée pied au plancher, que l’on assiste, deux heures durant, où chaque temps de pause ne semble désormais être là que pour permettre aux uns (Guitry et son équipe) comme aux autres (les spectateurs) de reprendre leur souffle. Le montage lui-même se fait nettement plus cursif et cohérent après Austerlitz, et semble participer pleinement de ce sentiment d’état d’urgence permanent caractérisant les dix dernières années de la geste napoléonienne.


On a beaucoup comparé, à sa sortie, le Napoléon de Guitry à celui de Gance, jugé à la fois – et pour cause – plus lyrique et plus systématiquement novateur. Soit. On pourrait aussi le comparer, précisément, à l’Austerlitz du même Gance (1959), voulu comme un post-scriptum tardif au chef-d’œuvre muet que l’on sait, et la comparaison tournerait plutôt, ce faisant, à l’avantage de Guitry, pour le coup plus humble et, d’une certaine manière, plus lucide. Plus enclin aussi à privilégier l’ironie feutrée et la distance là où Gance, a tenté – pas très bien – de tempérer le sérieux de son propos par un humour potache pas forcément toujours bien venu. Le ressort dramatique de Napoléon, du moins dans sa seconde époque, tient peut-être à l’équilibre permanent entre l’admiration sincère et l’émotion juste éprouvées par Guitry à l’égard du personnage dont il tente de retracer le destin fulgurant, et dont on retrouve la trace jusque dans le choix de sacrifier le final colossal, façon Si Versailles m’était conté…, déjà tourné, à une évocation plus minimaliste du retour des Cendres. Yann Lardeau, dans Sacha Guitry, cinéaste, a mis l’accent, le premier, sur un aspect de Napoléon parfaitement saisi et restitué par Guitry, là où Gance, tout aussi fasciné, sinon plus, semble être passé à côté de l’un des aspects les plus essentiels de toute l’épopée napoléonienne prise en son ensemble : « (…) Comme Nessus, l’Empereur est petit à petit dévoré par sa tunique. La guerre devient la seule réponse. L’Empereur ne s’aperçoit pas qu’il n’en contrôle plus l’élan. (…) Cette solitude ultime de l’Empereur, cette vampirisation d’une vie par sa mise en effigie sont limpidement reformées dans le plan (le mot) de la fin. 1 »


Il importe finalement bien peu, en ces conditions, que les scènes de batailles – au reste filmées par le vétéran revenu d’Hollywood Eugène Lourié – se ressemblent toutes, et que le profane ne comprenne pas davantage les tenants et les aboutissants de Waterloo que ceux de Wagram, puisque défaites et victoires participent in fine d’un seul, unique et même processus. Tenu par beaucoup pour l’œuvre à la fois la plus brillante et la plus académique de Guitry (et, paradoxalement, la plus humble, au rapport du seul Vecchiali, qui n'a pas tort sur ce point), Napoléon apparaît bien, avec le recul, comme une élégante et raffinée « commode Empire » à compartiments multiples recelant autant de tiroirs secrets. En ce sens, c’est aussi l’une des réalisations les plus étonnamment mystérieuses de son auteur-réalisateur : derrière les aigles impériales et les faux-semblants, les dorures 1800 revues et corrigées par le Technicolor et les décolletés pigeonnants d'une demi-douzaine d'actrices - françaises, italiennes, allemandes - en vue, la fascination d’usage admise et dûment entérinée, c'est bien le questionnement qui prime, et l'emporte sur le reste, sans altérer pour autant la beauté et la grandeur du spectacle, constantes et bien réelles.


1. Yann Lardeau, Sacha Guitry cinéaste, Éditions du Festival International du Film de Locarno/ Éditions Yellow Now, Crisnée, 1993, pp. 267-269.


Version remaniée d’un texte extrait de l’ouvrage Sacha Guitry – Les Films (Armel De Lorme, L’@ide-Mémoire, 2015).


© Armel De Lorme / L’@ide-Mémoire, 2015-2018. Toute reproduction même partielle interdite, sauf autorisation écrite des auteur et éditeur.


Photo : Danielle Darrieux et Raymond Pellegrin, René Chateau/La Mémoire du Cinéma, D.R

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