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★☆☆☆☆ Les Jeunes Loups


Marcel Carné / 1967 / France-Italie​

Avec : Christian Hay (Alain Langlois), Haydée Politoff (Sylvie), Yves Beneyton (Christian), Maurice Garrel (Ugo Castellini, le promoteur), Élina Labourdette (Nadine Sinclair), Roland Lesaffre (Albert, le taulier), Gamil Ratib (le prince Linzani), Stéphane Bouy (Riccione, le photographe), Rolande Ségur [= Rolande Kalis] (Évelyne d’Embrun), Bernard Dhéran (Jean-Noël, l’antiquaire), Élisabeth Teissier du Cros [= Élisabeth Teissier] (la princesse Linzani), Serge Leeman (Jojo), René Lefèvre-Bel (Gaston, le majordome), Luc Bongrand [= Luc Merenda] (Eddie), Lucien Callamand (un vieux monsieur), Jean Panisse (le patron du garage), Eddie Sparrow (le chanteur noir), Gilbert Dall’Anese (le saxophoniste), Roland Malet (un agent), Gilbert Servien (l’inspecteur), Cyril Azzam (le 2nd chanteur à « La Cage »), Anny Nelsen (un modèle), Pierre Leproux (le pianiste), Robert De Niro (un beatnik), Raphaël Delpard (?) (un invité), Roger Trapp (le voyageur moustachu), The Krew (le groupe à « La Cage »), Jacqueline Georges.


Alain, beau gosse aux dents longues (se revendiquant par ailleurs « à voile et à vapeur »), et Sylvie, jeune femme se prétendant affranchie mais authentique vierge, font connaissance sur la Côte d’Azur, un jour de pluie. Rentrés à Paris à bord de la Roll-Royce d’une sculpturale princesse iranienne désireuse de mettre Alain dans son lit (un peu plus tard, le prince en fera autant), les deux jeunes gens s’installent chez un hôtelier débonnaire et philosophe peu regardant quant au règlement de ses notes en attente. Un soir qu’Alain, qui depuis son retour à Paris, mène de front des liaisons parallèles avec la Princesse et Sylvie, a découché, la jeune femme est prise dans une rafle en même temps qu’une bande de beatniks. L’un d’eux, Chris, fils de famille en rupture de ban avec son milieu, lui prête la somme nécessaire afin qu’elle ne soit pas inculpée pour vagabondage. Elle revoit son jeune sauveur, qui éprouve pour elle des sentiments sincères mais non partagés : elle est toujours foncièrement éprise d’Alain, bien que celui-ci glisse de plus en plus sur la mauvaise pente. Lâché par sa volage princesse, n’ayant pas cédé aux avances à peine voilées du prince, devenu accompagnateur de dames seules, il obtient grâce à Sylvie un travail chez un photographe, que son manque conjugué de souplesse et de professionnalisme ne lui permet pas de conserver très longtemps. Ce qui ne s’avère pas si grave que cela, au reste : prompt à rebondir et jouant en plein la carte de la mythomanie souriante, Alain s’improvise le protégé d’un riche promoteur immobilier, rencontré un soir de réveillon, qui le paie à ne rien faire ou presque et a, clairement des visées sur Sylvie, que le jeune homme a réussi à faire passer pour sa petite sœur. Décidée à fuir ce climat rapidement jugée malsain, la jeune femme, écœurée, regagne la Côte d’Azur, où Alain, peut-être plus amoureux qu’il ne voulait bien l’admettre et les yeux définitivement ouverts par l’amical Chris, s’empresse d’aller la rejoindre. Ne demandant qu’à le croire, une fois de plus, la jeune femme accepte de regagner la capitale avec lui. Jusqu’à la prochaine déception ?


Les Tricheurs, en mille fois pire… Carné – petite soixantaine maussade – cavale à deux à l’heure derrière sa jeunesse enfuie et révolue, qui, maligne, ne se laisse pas faire, et, dans le même temps, enquille poncifs, stéréotypes et lieux communs comme s’il n’avait fait que cela sa vie durant. Les acteurs, chevronnés ou non, sont – exception faite de Roland Lesaffre et Rolande Ségur – mauvais à l’unanimité : rien à dire, ils sont parfaitement raccord avec les dialogues en parpaing de Claude Accursi (qui laissèrent, déjà, fort sceptiques les critiques contemporains de la sortie des Jeunes Loups en salles). Morceaux choisis : « Coucher par dépit, ça me dégoûte. » – « Coucher, à notre époque, est-ce que ça compte ? » – « Récite pas ton catéchisme. Avec toi, oui. » – « Je vois. L’amour avec un grand « A », quelle bonne blague ! » – « Vous me faites marrer, tous autant que vous êtes. Vous vous moquez des sentiments, vous vous prétendez sans complexes, affranchis des préjugés, libérés, des hommes et des femmes nouveaux. Mais il suffit de vous regarder : la passion, la souffrance, la jalousie vous possèdent autant et même plus que les générations de minables qui vous ont précédé » – « Oui, mais nous, on fait pas de mélo, on serre les dents. Salut. » – « Salut ». Raisonnablement cynique, mais ni subversif, ni lucide, ni éclairé, dépourvu de la moindre once de sensualité, et, de surcroît, terriblement ennuyeux de bout en bout : bien la peine d’avoir signé Les Enfants du paradis un quart de siècle plus tôt ! Et la preuve est faite, en admettant que la chose restât à démontrer, que, dans certains cas, oui, la vieillesse peut s’avérer un naufrage irréversible autant qu’absolu. La jeunesse de l’avant-Mai 68 vue par Carné, aussi, que défendent au pire un inexistant Christian Hay, un renfrogné Yves Beneyton ou une ex-collectionneuse rohmérienne, ici monoexpressive et exagérément grognon, limite ronchon. Jeunes cons vs. vieux cons : zéro partout, égalité et balle au centre. Portée par le timbre mieux que sublime de Tuesday Jackson/Nicole Croisille et les accords psychés de Jack Arel la BO, en revanche, est remarquable. Le jeu d’Élisabeth Teissier beaucoup moins. Soyons charitable et reconnaissons que la dame a bien fait de passer à l’astrologie : c’est de toute évidence ce qu’elle avait de mieux à faire.

© Armel De Lorme / L’@ide-Mémoire, 2019. Toute reproduction, même partielle, interdite sauf accord écrit des auteur et éditeur.

Photo : Christian Hay, Haydée Politoff et Yves Beneyton (de dos), M6 DVD, D.R.

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