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★★★★☆ Le Mioche


Léonide Moguy / 1936 / France

Avec : Lucien Baroux (Prosper Martin), Gabrielle Dorziat (Mme Granval, la directrice), Pauline Carton (Mlle Clotilde, la surveillante), Milly Mathis (Gervaise), Madeleine Robinson (Denise Mériel), Jane Pierson (Pauline, la gérante), Georges Vitray (Dalbret), Marcel Maupi (Marius Rabut), Jean Périer (l’aumônier), Pierre Labry (M. Bourgeon), Gilbert Gil (Robert Bourgeon), Marcel Carpentier (le cuisinier), René Bergeron (le garagiste), André Siméon (le pochard), Pierre Juvenet (le coadjuteur), le petit Philippe (Pierrot, le mioche), Nane Germon (Simone), Annette Doria (Valentine), Wally Carveno [= Wally Karveno] (Geneviève d’Ambreville), May Francine, Paulette Houry, Aline Debray, Liliane Gauthier, Gary Garland, Foun-Sen, Michèle Morgan, Jacqueline Pacaud & Jenny Carol (les pensionnaires), Léonce Corne (le brocanteur), René Lacourt (le marmiton), Claire Gérard (la lingère), Janine Darcey (?), Roger Rosen.


Parvenant mal à gagner son existence, Denise Mériel, jeune fille-mère en chômage, abandonne son enfant sur le palier du père de l’enfant, Robert, qui s’en débarrasse à son tour à le refilant à un pensionnaire occupant la chambre d’hôtel voisine de la sienne. Le voisin en question, Prosper Martin, vivote en travaillant en journée comme laveur de voitures dans un garage, le soir en qualité de contrôleur de théâtre. Dalbret, un de ses ex-condisciples de lycée, qui l’a retrouvé un peu par hasard, lui procure de façon opportune une place d’enseignant dans un pensionnat de jeunes filles situé en province. Contraint par les circonstances de cacher dans sa chambre le petit Pierrot, qu’il n’a pas voulu abandonner à Paris, Prosper est rapidement démasqué par les élèves de l’institution, qui, si elles ne le tenaient pas, jusqu’alors, en grande estime, s’autoproclament du jour au lendemain mamans de substitution, au nez et à la barbe de l’autoritaire directrice, Mme Granval, et de la surveillante, Mlle Clotilde. Lorsque ces dernières découvrent la présence de l’enfant au sein de l’institution, Prosper se retrouve menacé de renvoi, suite à quoi les jeunes pensionnaires décident d’entrer en dissidence. Le calme revenu, le faux papa du petit Pierrot quitte comme prévu le pensionnat, non sans avoir légalement reconnu l’enfant pour son fils. L’arrivée soudaine à l’institution de Denise, désormais pourvue d’un emploi fixe, lèvera les derniers doutes quant à la probité du bon Prosper et bouleversera une nouvelle fois la donne : peu soucieuse de séparer le mioche de son adorable père « adoptif », elle acceptera de convoler en justes noces avec ce dernier, qui réintégrera dans le même temps ses fonctions d’enseignant.


Avec l’ineffable Jean Guitton au scénario et la destinée miséreuse d’une fille-mère à la ramasse comme point de départ, 

on pouvait s’attendre à un mélodrame mi-gnangnan, mi-dégoulinant de bons sentiments. Contre tout attente, et si l’on fait l’abstraction des nombreuses (trop) séquences plaçant « le mioche » (affreux, pénible et hurlant tout le temps) au centre du dispositif, le résultat est absolument bluffant, tant Léonide Moguy fait constamment montre de tact et l’habileté. Les moments dramatiques et les séquences misant en plein sur l’humour se succèdent avec une fluidité étonnante du début à la fin, raccord avec le jeu nuancé de Lucien Baroux, d’une sobriété constante, elle aussi, et d’une justesse exemplaire. La troupe constituée autour de lui est un modèle d’excellence, dirigée de main de maître par le binôme formé, tout au long de la seconde partie, par Gabrielle Dorziat, forte d’un nuancier mêlant autorité souveraines et arrière-plans adroits, et Pauline Carton, désopilante de bout en bout, particulièrement irrésistible lorsqu’elle se met à chantonner de sa voix de crécelle. Le vétéran Jean Périer joue les deus ex-machina avec toute la bonhomie requise, là où Madeleine Robinson – dix-neuf ans, talent et cinégénie déjà en place – fait montre, pour son premier rôle important à l’écran (un an auparavant, elle était encore figurante), d’un tempérament d’immense actrice en devenir. Mené par l’impeccable Nane Germon et la binoclarde Annette Doria (la même, ou peut s'en faut, que la Magalie Madison de la sitcom affligeante Premiers Baisers, avec six bonnes décennies d’avance), le « chorus » des aimables pestes et autres péronnelles peuplant les salles de cours et les dortoirs de l’internat, fonctionne plein pot, où l’on reconnaît parfaitement bien, au gré des séquences de groupe, les quasi-débutantes Foun-Sen et Michèle Morgan, la seconde déjà belle à couper le souffle et faisant montre, sans rien faire pour cela, d’une présence indicible s’accommodant au mieux des moindres plans muets. Film tendre et généreux (ce qui est une excellente chose en soi), par ailleurs exempt de toute forme de mièvrerie (ce qui est mieux encore, compte tenu du sujet). Enchantement total.


© Armel De Lorme / L’@ide-Mémoire, juillet 2019. Toute reproduction même partielle interdite, sauf autorisation expresse écrite des auteur et éditeur.


Photo : Pauline Carton. René Chateau/La Mémoire du Cinéma, D.R.

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