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★★★☆☆ La Présidente


Fernand Rivers / 1938 / France

Avec : Elvire Popesco (Vérotcha), Henry Garat (Jean-Pierre Gaudet, garde des Sceaux), André Lefaur (Augustin Tricointe), Suzanne Dehelly (Aglaé Tricointe), Louis-Jacques Boucot (Eugène), Nina Myral (Sophie, la bonne), Maurice Dorléac (Octave Rozimond), Rivers Cadet (Bienassis), Micheline Francey (Denise Tricointe), Doumel (Marius, 1° huissier), Gaston Gabaroche (Pinglet), Léon Morton (La Houlette), Pierre Darteuil (François, 2° huissier), Barbara Shaw (Francinette), Liliane Lesaffre (la réceptionniste), Edmond Roze, Henry Tréoux, Inka Krymer, Jean-Pierre Thisse, Robert Leray (?)...


Suite à un stratagème élaboré par ses camarades de bridge, Auguste Tricointe, honorable président de province ascendant psychorigide, se voit contraint d’offrir l’hospitalité à Vérotcha, pétulante actrice qu’il a faite expulser – sans la connaître – de l’hôtel local où elle était descendue. Le destin, malicieux, multiplie les heureux hasards tout au long de la nuit : Madame la présidente est partie rendre visite à son oncle d’Honfleur, sans spécifier à Monsieur le Président qu’elle entend faire un crochet par Paris afin de lui obtenir une promotion au ministère, et une heure après l’arrivée de Vérotcha au domicile des époux Tricointe y débarquent à l’improviste le garde des Sceaux, Jean-Pierre Gaudet, et son chef de cabinet, victimes d’une panne automobile. S’ensuit une série de quiproquos, généralement joyeux, qui contraignent le président Tricointe à laisser Vérotcha passer pour sa véritable épouse aux yeux des nouveaux-venus et Vérotcha provoquer – à dessein – un faux « disjonctage » de compteur électrique pour s’offrir au garde des Sceaux, qu’elle trouve tout à fait à son goût (et réciproquement). La suite se joue à Paris, entre les couloirs du Ministère de la Justice et le hall de l’hôtel parisien où les époux Tricointe sont descendus séparément. Nouveaux rebondissements jusqu'au (triple) happy end final...


Parti d’un succès de Boulevard créé à la veille de la Grande Guerre, incluant pèle-mêle satire féroce des mœurs bourgeoises, identités factices et portes qui claquent, Fernand Rivers ne parvient qu’à de très rares moments à restituer la folie furieuse du matériau de départ, pourtant surinspirant. La première partie fait la part belle aux dialogues d’Yves Mirande et aux numéros d’acteurs très au-dessus de la moyenne, mais dans son ensemble procure un sentiment de statisme, que ne font que renforcer les rares séquences « d’aération ». Dans cette première version cinéma (deux autres suivront), la comédie ne prend véritablement sa dimension burlesque qu’une fois les protagonistes « rapatriés » à Paris. Se succèdent alors des numéros burlesques de la meilleure facture, qui voient Popesco quitter les bureaux du Ministère coiffée d’une corbeille à papiers dont le contenu se déverse dans son sillage sans même qu’elle s’en aperçoive, Dehelly traverser la place de la Concorde vêtue d’une simple nuisette (mais dûment chapeautée), la délicieuse Barbara Shaw arpenter nerveusement ladite place, le surépatant Gabaroche reprendre jusqu'à plus soif des couplets-refrains qui en leur temps parurent égrillards (mais qui n’étaient que lestes), le formidable Rivers Cadet – contraint de rédiger dix ou douze fois à la suite le même décret à peine modifié – étouffer sa révolte contre l’abus de pouvoir de ses chefs, et finir par flanquer sa démission au Ministre et l’impeccable Boucot – grand oublié des anthologies consacrées aux « excentriques » des années 1930 – jouer de bonne grâce les interprètes afin de rapprocher la déjà prometteuse Micheline Francey, distribuée dans une rôle étonnant de jeune Française ne comprenant et ne parlant plus que l’anglais, et Maurice Dorléac, solide et probe de bout en bout.


Pour autant, Popesco y étincelle un peu moins que dans Le Roi (Pierre Colombier, 1936) ou Ils étaient neuf célibataires (Sacha Guitry, 1939), sa confrontation avec Lefaur, aussi impeccable soit ce dernier, crépite un peu moins que tout au long de L’Habit vert (Roger Richebé, 1937). Lorsque Garat – lui purement fonctionnel et beaucoup moins efficace qu’il ne le sera, quelques mois plus tard, dans L’Accroche-cœur (Pierre Caron, 1938) – et elle s’éloignent ensemble, dans un élégant coupé sport, sur « route de l'Amour », le spectateur reste un peu sur sa faim. La faute à Rivers, trop sage vis-à-vis de son sujet et incapable de tenir le rythme comme de tirer un parti optimal de situations pour le coup elles réellement cocasses ? Aux interprètes, dont le talent n’est absolument pas en cause, mais qui eussent mérité une direction d’acteur davantage ;au cordeau ? À un sujet qui pouvait déjà sembler, à bon droit, un peu vieillot un quart de siècle après la création de la pièce de Boulevard d’origine ? Au sentiment de déjà-vu procuré par l’ensemble, qui semble un peu trop articulé autour d’emprunts successifs implicites à Guitry et… Rivers (Bonne Chance !, 1935), Boyer (Prends la route, 1936) et même Richebé (L’Habit vert, 1937 1), Peut-être aux quatre à la fois. Lorsqu’on ne retient d’une comédie filmée que quatre ou cinq fulgurances géniales (Popesco et sa corbeille à papiers, Dehelly astiquant les cuivres du Ministère, Lefaur voilant pudiquement la face du grand Cujas à l’aide de son bonnet de nuit en coton, Boucot feignant avec bonhomie d’endosser à tour de rôle les statuts de l’amoureuse timide et du soupirant empoté, ou Rivers Cadet, au bord de l’apoplexie, pétant une durite), c’est souvent signe que la mayonnaise – ici déclinée par Dehelly en « poulet-cocotte façon Maillefer » – n’a pas complètement pris. C'est un peu dommage, mais pas de quoi bouder son plaisir pour autant.


1. Cf. la séquence ferroviaire d’ouverture, qui constitue un parfait décalque, à la limite du plagiat, de L’Habit vert.


© Armel De Lorme / L’@ide-Mémoire, octobre 2018. Toute reproduction même partielle interdite, sauf autorisation expresse écrite des auteur et éditeur.


Photo : Henry Garat et Elvire Popesco dans La Présidente, Éditions René Chateau/La Mémoire du Cinéma, D.R.

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