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★★★☆☆ À nous deux Madame la Vie


Yves Mirande & René Guissart / 1936 / France


1936. France. PR : Paul Bentata & Simone Berriau. RÉ : Yves Mirande. CO RÉ : René Guissart (non crédité). SC, AD & DIAL : Yves Mirande. IM : René Colas (N&B). CAD : Philippe Agostini. SON : Robert Sivel [= William-Robert Sivel] (Western Electric Wide Range). MUS PRÉEX : Frédéric Chopin (extrait de l’étude n° 3 en mi majeur, opus 10, « Tristesse »). MUS ORIG : Albert Wolff. LYR : René Gota. CHAN : la chanson À nous deux Madame la Vie est interprétée par Georgel. MONT : Pierre de Hérain. DÉC : Jacques Gotko & Georges Wakhévitch. ASS RÉ : Maurice Morlot & Henry Roy. RÉG GÉN : Henri Le Brument. DIR PR : Paul Bentata. PR : Les Films Gilda & Éden Productions. DIST : SELF & Les Films Gilda. STU : Paris-Studio-Cinéma. EXT : rue de Rivoli (Ier arrondissement de Paris) & hippodrome d’Auteuil (VIe arrondissement de Paris). TIR : Cinéma Tirage L. Maurice. TOUR : automne 1936. PP : 26/03/1937 (Madeleine). DUR ORIG : 95 mn. DUR ACT (DVD) : 85 mn. Titre alternatif copie : C’est la vie. Titres alternatifs : Les Bagnards de l’amour / Le Gagnant. Titres alternatifs affiches : À nous deux Madame la Vie… / À nous deux, Madame la Vie.


AVEC : Simone Berriau (Lucie), André Luguet (Jean Magnier), Jean-Louis Barrault (Paul Briançon), Raymond Aimos (Toto La Vache), Georgel (Jojo, le patron du bal-musette), Jeanne Marie-Laurent (la mère de Lucie), Paul Amiot (Gaston, le directeur de l’agence bancaire), Thérèse Dorny (la femme de Toto), Guy Berry (le chanteur, n’apparaît pas dans les copies actuellement visibles), La Joselito (la danseuse, n’apparaît pas dans les copies actuellement visibles), Fred Adison (lui-même) et son Jazz, Jean Brochard (l’inspecteur de police à l’agence bancaire), René Dary (l’avocat de Paul Briançon), Albert Broquin (le planton de l’agence bancaire), Émile Saulieu (le directeur de la prison), Titys (l’employé de l’agence bancaire qui a gagné aux courses), Luce Fabiole (l’ancienne concierge de Lucie), Jacques Beauvais (un maître d’hôtel), Max Doria (un employé de l’agence bancaire), Maurice Devienne, André Réhan.


Des pérégrinations amoureuses de Jean Magnier, Paul Briançon et Lucie, tous trois employés au sein de la même agence bancaire. Lucie, encore indécise, hésite entre les deux garçons, aux antipodes l’un de l’autre : Paul est un timoré ascendant révolté, Jean un ambitieux prêt, si on l’en croit, à écraser son prochain à seule fin de réussir dans la vie. Lucie lui ayant fait connaître sa préférence, Paul décide de suivre les conseils de Jean… et pique 100.000 francs dans la caisse afin de jouer, aux courses, un tuyau absolument certain, que son camarade, dans sa grande bonté, a bien voulu lui refiler. Mais à force d’écouter les conseils des uns et des autres, il ne joue pas le cheval sur lequel il avait initialement prévu de miser, et perd tout son avoir. Jean ayant, de son côté, remporté la coquette somme de 120.000 francs, Paul le supplie de les lui prêter à tempérament, ce que son « ami » accepte d’assez bonne grâce… jusqu’au moment où le trop bavard jeune homme lui avoue naïvement ses projets matrimoniaux avec Lucie. Jean, un peu douché, se ravise et décrète qu’il a besoin, lui aussi, de cet argent. Désespéré, Paul va se jeter dans la Seine, en est miraculeusement repêché, et, sans même avoir pris le temps de se sécher, court confesser son larcin à la police. Bientôt, toute l’agence bancaire, Jean et Lucie en tête, est au courant de son indélicatesse. Et l’avenir de brutalement s’assombrir. La mère de Lucie tombe gravement malade et, afin de pouvoir la soigner, la jeune employée doit quitter son travail à la banque. Paul, qui a réitéré ses aveux auprès du juge, est, quant à lui, condamné à cinq ans de prison ferme...


Comédie en deux temps, démarrée en force via une opposition un peu systématique entre le doux idéaliste (Barrault) et le salaud potentiel intégral (Luguet). L’enjeu ? Simone Berriau, parfaitement crédible dans un emploi de jeune dactylo indécise, bien qu’ayant franchi depuis peu les portes de la quarantaine, elle n’ait plus précisément l’âge du rôle. L’ensemble ne trouve son point d’équilibre qu’à mi-film, c’est-àdire partir du moment où Mirande commence à apposer sur sa toile de fond des touches de plus en plus nuancées : le cynisme a beau être présent de bout en bout, les personnages y gagnent ! Si Barrault et Luguet ont besoin de temps pour prendre leurs repères, Simone Berriau est en place de la première à la première bobine, et il n’est pas impossible que cette Lucie imaginée pour elle par l’ami Yves Mirande lui ait offert, un léger cran devant « Ciboulette », « Divine » et « La Tendre Ennemie » sa plus belle prestation à l’écran. Elle est formidable dans sa manière de jouer, exceptionnelle lorsqu’elle se met à fredonner, tout en fumant, la première étude bien connue de Frédéric Chopin : sous ce seul rapport, on n’est pas très loin de la Darrieux de La Maison Tellier. La direction de Mirande et, très probablement, de René Guissart met pareillement en valeur les talents respectifs d’Aimos, d’une justesse et d’une probité à toute épreuve, et de Thérèse Dorny, aussi remarquablement utilisée que dans l’exactement contemporain Ménilmontant (René Guissart, 1936). Vraie et belle réussite, décuplée par le parti pris – pour le coup culotté – des auteurs de ne pas sacrifier la lucidité, omniprésente, sur l’autel du happy end, tout attendu. Le spectateur de 1936 y aura-t-il trouvé son compte ? Ce n’est pas certain. Doit-on pour autant construire une œuvre en fonction des seules attentes (supposées) du public ? Cela reste à démontrer.


© Armel De Lorme, Trésors du Cinéma français des Années Trente (Raretés; Rééditions, Restautations), L’@ide-Mémoire Cinéma, mars 2020.

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